Application de la TFD à l'analyse spectrale

Signaux certains de durée limitée

On a montré que la TFD du signal échantillonné donnait presque exactement des échantillons de la TF continue du signal continu. Rappelons que l'échantillonnage nécessite que la bande spectrale du signal soit limitée, ce qui n'est pas rigoureusement possible pour un signal à durée limitée. Il y aura donc toujours un léger repliement, que l'on minimisera par une fréquence d'échantillonnage suffisamment grande.

Quelle est la résolution de l'analyse ? Elle est donnée par le pas d'échantillonnage en fréquence .

Or

Figure 18 : Signal et sa transformée.

Pour obtenir une résolution plus fine, la seule possibilité est d'augmenter N (sans changer !). Cela se fait en prolongeant le signal par des valeurs nulles. Bien entendu, cela n'apporte pas d'information. Celle opération ne fait qu'une interpolation de la TF, pour obtenir une courbe plus facile à interpréter à l'œil ou pour permettre de mesurer la position d'un pic plus précisément.

Ajout de zéro en temps <=> Interpolation en fréquence

 

Figure 19 : Interpolation en fréquence

 

Remarquons que l'on peut utiliser une technique similaire, pour interpoler un signal temporel

Ajout de zéro en fréquence <=> Interpolation en temps

 

Figure 20 : Interpolation en temps

 

Signaux certains de durée infinie

La TFD ne s'applique qu'aux signaux de durée finie (qui sont considérés comme une période d'un signal périodique). Un signal infini est nécessairement tronqué, ce qui introduit des erreurs.

Remarque : ce problème n'est pas spécifique au traitement numérique. On ne le connaît pas en électronique analogique parce qu'on ne sait pas faire l'opération de TF. Par contre, il est connu en optique.

Soit le signal tronqué. On peut le modéliser par le produit du signal x par une porte g de durée T.

La transformée de Fourier est donc convoluée par la TF de cette porte

Observons les effets de cette convolution sur un signal sinusoïdal.

Figure 21 : Effet de la limitation de durée sur la TF d'un signal sinusoïdal

Il apparaît sur des sinus cardinaux à la place des Diracs de .Les passages par zéro de ces sinus cardinaux sont espacés de

Or le résultat de la TFD correspond à l'échantillonnage de avec un pas d'échantillonnage

qui est exactement égal à la demi pseudo période du sinus cardinal.

On voit que si la période du signal est un sous multiple exact de la durée d'analyse, le résultat parait "bon" : on obtient un Dirac. Par contre dans les autres cas, il apparaît des "pieds" aux pics.

Figure 22 : TF et TFD d'une sinusoïde pour deux valeurs de fréquences

Pour minimiser cet effet, on peut remplacer la porte par une fonction plus "douce", dont la TF présente des lobes moins importants. Cette fonction est appelée fonction d'apodisation. Cela se fait au prix de la résolution : les pics sont élargis. Il faudra donc dans le choix de cette fonction de pondération, régler un compromis entre, d'un part l'amplitude des lobes secondaires, qui peuvent cacher des pics de faible amplitude au voisinage d'un pic de forte amplitude, et d'autre part la largeur des pics, qui peuvent empêcher de séparer deux pics de fréquences très proches.

Figure 23 : Analyse spectrale par TFD : vue d'ensemble du processus

L'échantillonnage en fréquence induit également un autre défaut : si aucun échantillon ne tombe sur le sommet du lobe principal, la valeur du maximum d'un pic de la TFD est plus faible que la valeur de ce pic sur la TF continue. L'élargissement de ce pic créé par l'apodisation à sur ce point un effet bénéfique : le pic étant moins pointu l'amplitude des points situés à son voisinage se rapprochent de l'amplitude du maximum. Certains analyseurs proposent une fonction "flat-top" dont le sommet de la TF et suffisamment plat pour rendre cette erreur acceptable, mais cela se fait aux prix d'une diminution extrême de la sélectivité. Il sera préférable, si cela est possible d'interpoler le TFD par ajout de zéro en temps comme cela est expliqué ci-dessus.

Signaux aléatoires (introduction)

On sait qu'il est nécessaire d'effectuer des moyennes pour estimer un paramètre statistique. On sait également que, grâce à la propriété d'ergodisme, on peut remplacer la moyenne statistique (sur des réalisations différentes ) par un moyennage temporel (sur des échantillons successifs). Donc, pour réaliser l'analyse spectrale, plutôt que de prendre une seule tranche du signal comme précédemment, on peut prendre plusieurs tranches successives.

Supposons que l'on dispose d'un enregistrement numérique de échantillons d'une réalisation d'un signal aléatoire. On divise cet enregistrement en blocs de échantillons.

On calcule les TFD de tous ces blocs.

La densité spectrale de puissance du signal est alors estimée par

Son pas d'échantillonnage est donc

Pour obtenir une bonne résolution fréquentielle sur ce spectre, il est donc souhaitable de réduire ce pas, et donc d'augmenter la taille des blocs, ce qui revient à diminuer le nombre de blocs.

L'écart type de l'erreur statistique de l'estimation peut être calculée facilement en considérant que si les blocs sont disjoints, ils sont très peu corrélés. Les termes de la somme entrant dans le calcul du spectre sont alors des variables aléatoires indépendantes.

Donc

Pour obtenir une faible erreur statistique, il est donc souhaitable d'augmenter le nombre de blocs.

On constate qu'il est nécessaire de régler un compromis entre deux exigences contradictoires, la résolution en fréquence (la précision sur l'axe horizontal), et la qualité statistique (la précision sur l'axe vertical).


Signal aléatoire de 32000 échantillons.
A gauche, moyennage sur 32 blocs de 1024 valeurs. A droite, moyennage sur 512 blocs de 64 valeurs

Figure 24 : Influence de la taille des blocs pour l'analyse d'un signal aléatoire.

 

Facteurs d'échelle.

Mesure de densité d'énergie ou de puissance

Nous avons montré que la TFD donnait des échantillons exacts de la TF continue, à condition d'utiliser les formules introduites ci-dessus avec le facteur . Pour des signaux à spectre continu, il n'y a donc pas de problème. Si on calcule le module carré de la TFD (éventuellement moyennée dans le cas aléatoire) on obtient des valeurs correctes de la densité spectrale d'énergie (pour des signaux à durée finie). En divisant ce résultat (éventuellement moyennée dans le cas aléatoire) par la durée de la tranche signal analysée, on obtient la densité spectrale de puissance (pour des signaux à durée infinie) en volts carrés par hertz. En général, on s'intéressera à des signaux réels. Dans ce cas, il sera plus physique de considérer que l'énergie dans une bande de fréquence est la somme de l'énergie dans cette bande plus l'énergie dans la bande symétrique en fréquence négative. Il faut donc affecter la mesure de densité d'énergie d'un facteur 2, ou l'amplidude de la TFD d'un facteur .

La mesure de la densité de puissance est faite à partir de l'énergie par blocs divisée par la durée ()du bloc.

Cela revient à un facteur supplémentaire de sur la TFD. Le coefficient de la TFD devient alors

Remarquons que si l'on utilise une fonction d'apodisation, il faudra normaliser cette fonction de façon à ne pas modifier la puissance moyenne du signal. Il faut pour cela que l'intégrale du carré de la fonction discrète soit égale à

Cas particulier des signaux à spectre de raies.

Pour des signaux dont la TF présente des impulsions de Dirac, la notion de densité n'est plus utilisable, il est souhaitable d'obtenir les puissances de raies (en volts carrés) ou leur amplitude (en volts).

Soit un signal sinusoïdal

Comme on l'a vu précédemment, on en utilise seulement une partie. Cela revient à analyser ce signal multiplié par une porte ou par une fonction d'apodisation.

La transformée de Fourier en est :

avec

Soit la durée de la porte, les Diracs sont remplacés par des pics dont la hauteur est

G(0) est la valeur à l'origine de la transformée de Fourier de la TF de la fonction d'apodisation. C'est donc plus simplement l'intégrale de la fonction d'apodisation. Si l'on n'apodise pas, g(t) est une fonction porte dont l'intégrale vaut T.

Pour mesurer la valeur de ce maximum par TFD, il faut calculer

Donc

On constate que le pas d'échantillonnage n'intervient pas dans cette mesure.

On préférera souvent calculer la valeur efficace

Si l'on apodise, on peut conserver cette formule à condition de normaliser la fonction d'apodisation de façon à ce que son intégrale (discrète) ait pour valeur

Récapitulatif

Pour faire mesurer la valeur efficace des raies d'un signal réel composé de fréquences pures, il faut normaliser la TFD par pour obtenir de Volts.

Pour mesurer une densité spectrale d'énergie d'un signal réel à spectre continu, il faut normaliser la TFD par .

Pour mesurer une densité spectrale de puissance d'un signal réel à spectre continu, il faut normaliser la TFD par pour obtenir des

Cela se traduira sur les analyseurs de spectre par la présence d'une commutation entre deux graduations des échelles verticales. L'une en volts efficaces, à utiliser pour mesurer l'amplitude de raies. L'autre en volts carré par hertz (ou en volts par racine de hertz) à utiliser pour mesurer des densités de puissance de bruits.

Figure 25 : Mesure d'amplitude de raie et de densité spectrale de bruit.